Lac de la Maix
Niché en pleine forêt, ce lac vert émeraude est un joyau naturel glaciaire incontournable. Ce lieu au charme mystérieux est un havre de paix et de sérénité très prisé des randonneurs. Le lac est accessible depuis le village de Vexaincourt ou depuis le Col de Prayé.
Découvrez les légendes mystiques qui planent autour de ce site à l’atmosphère si particulière : celle du Diable Violoneux ou de la Vierge de la Maix sont les plus connues.
Le lac de la Maix témoigne d’un riche passé historique et religieux.
On rapporte plusieurs légendes pour le lac de la Maix. La plus connue est celle du Diable Violoneux :
Au temps jadis il y avait à la Maix, là où se trouve aujourd’hui le lac, une vaste clairière d’herbe douce qui s’ornait en son centre d’un arbre magnifique. Ses racines anciennes enlaçaient les profondeurs de la terre et ses branches majestueuses s’élevaient pour étreindre l’infini du ciel. A la lisière de la forêt, un peu en hauteur, une petite chapelle abritait une jolie statue de la Vierge. On lui apportait des bouquets de fleurs au printemps, et on lui demandait la bénédiction de la pluie lorsque l’été se faisait trop sec.
Chaque année, le dimanche de la Trinité, un pèlerinage commémorait la fondation de cet ermitage. On y venait de toutes les vallées voisines. Gens du Comté de Salm, du Ban de la Roche et des environs du Donon, tous se rassemblaient avant même les premières lueurs de l’aurore et formaient une grande procession. Au son des cantiques, les pèlerins marchaient jusqu’à la Maix où l’ermite les attendait pour célébrer la messe. Sitôt celle-ci terminée les prières faisaient place à la fête et l’on dansait dans la clairière, on se retrouvait pour déjeuner à l’ombre des sapins avec ses amis, discuter, rire, se raconter les derniers évènements des villages. Bien souvent les jeunes gens profitaient de cette occasion pour se découvrir, se plaire, et préparer de futurs mariages. Vers le soir, au moment des vêpres, une nouvelle cérémonie religieuse concluait la journée et chacun rentrait chez lui tandis que s’étendaient doucement les ombres du crépuscule et que le silence revenait dans les bois….
Cette année-là, après la marche de la procession, la messe avait semblé fort longue aux pèlerins rassemblés. C’est avec un certain soulagement qu’ils avaient quitté les abords de la chapelle pour se rassembler dans la clairière. On avait sorti quelques bouteilles de bon vin choisies spécialement pour cette occasion, les amoureux profitaient de l’inattention de leurs parents pour se retrouver, les joueurs de fifre et de violon accordaient leurs instruments et, un peu à l’écart, l’ermite les observait avec un sourire indulgent.
Alors qu’on commençait à danser, on entendit une mélodie d’une beauté fascinante se mêler à celles des musiciens des villages. C’était la chanson vive et entraînante d’un violon dont quelqu’un jouait avec une virtuosité incroyable. Elle ne ressemblait à rien de ce que les gens de Salm ou du Ban de la Roche avaient entendu jusque là, et bientôt même les autres instruments se turent pour l’écouter.
Le violoniste s’arrêta, et adressa un sourire charmeur à son public. Malgré ses vêtements très simples, presque pauvres, il avait l’élégance naturelle et la noblesse d’un roi. Une flamme indomptable dansait dans ses yeux, pleins de secrets et d’ironie, et ses traits fins étaient ceux d’un prince entouré de mystère, un seigneur parmi les vagabonds et les troubadours. Le visage d’un ange mais d’un ange endurci par des siècles de combats, dangereux et attirant…. Personne ne le connaissait, mais nul ne songea à s’étonner de sa présence.
Il s’inclina pour saluer ceux qui le regardaient, avec grâce et courtoisie mais aussi quelque chose d’indéfinissablement moqueur et, fermant les yeux, reprit le cours de sa musique.
Elle s’éleva, irrésistible, en un tourbillon qui emporta les pèlerins dans une danse enivrante à travers la clairière, entourant le grand arbre de leurs farandoles. Ils tournoyèrent ainsi pendant des heures, oubliant la fatigue, fascinés par la musique de l’étranger.
A l’heure des vêpres, les cloches de la chapelle sonnèrent pour les appeler à la prière. Un instant les pèlerins firent mine de s’arrêter pour répondre à cet appel, mais le violoniste se lança dans une mélodie plus belle encore et ils s’y abandonnèrent, le laissant les entraîner dans une danse de plus en plus rapide.
L’ermite, étonné de leur absence, sonna la cloche une nouvelle fois mais les danseurs ne l’entendaient même plus. Ils riaient, ivres de musique et de vertige. Aucun ne remarqua le sol qui s’enfonçait lentement sous leurs pas, ni l’arbre qui tremblait comme une tour qui lutte contre la tempête. Aucun ne vit le sourire du violoniste se faire cruel.
La cloche sonnait, le violon jouait, et les pèlerins continuaient à danser.
Enfin, la cloche se tut. Le violoniste ne jouait plus. Le temps d’un battement de coeur, tout fut suspendu dans le silence.
Il y eut un grand bruit. Les branches tendues vers le ciel, ultime supplication, l’arbre séculaire se fendit, comme frappé par la foudre. La clairière s’effondra, emportant les danseurs avec elle dans les profondeurs, les précipitant dans la gueule avide d’un abîme de ténèbres. Des eaux souterraines jaillirent, recouvrant la plaie béante de ce gouffre et formant ce qui est aujourd’hui le lac de la Maix.
Le musicien avait disparu. Il avait brisé son violon contre un rocher, ses fragments s’enflammant en un tourbillon d’étincelles au parfum de souffre.
Des profondeurs du lac montaient encore les appels et les plaintes étouffées des pèlerins, prisonniers à jamais d’une danse démente. Alors s’éleva un rire moqueur et triomphal, un son grinçant et malsain, et l’ermite qui priait dans la chapelle pour le salut des danseurs maudits, tremblant, sut que c’était le rire de l’étrange violoniste. Le rire du Diable.
Source : Pays des abbayes